dimanche, octobre 08, 2006

Monde arabe et fracture numérique


Quelques mots sur un article dans Al-Hayat (numéro du 24 septembre dernier). C'est à propos d'une étude publiée par une des officines spécialisées dans la question des TIC, et des statistiques/études de marché sur la question dans le monde arabe, à savoir le Madar Economy Research on the Middle-East : www.madarresearch.com.

D'après leurs travaux, qui portent sur 18 Etats (manquent la Somalie, la Mauritanie, Djibouti et les Iles Comores, membres de la Ligue arabe comme vous vous en souvenez !...),le nombre des internautes dans le monde arabe a cru l'année dernière de pas moins de 9 millions. Ils seraient aujourd'hui 26,3 millions, soit une croissance de 55 % l'année dernière (pour une moyenne de 18 % de croissance pour l'ensemble du réseau mondial).

Au total, on aurait sur l'ensemble de la région arabe une moyenne de 8,5 % d'utilisateurs d'internet (au lieu de 5,36 % en 2004). Dans certains pays arabes, les plus mal lotis, la croissance en question est carrément de 100 % (c'est vrai que c'est plus facile quand on part de très bas !!!) Pour les 5 années à venir, Madar attend une coirssance toujours aussi forte, mais prévoit ensuite une pause.

Derrière ces chiffres qui ne sont pas si mauvais, le résultat de politiques gouvernementales, en particulier dans le secteur de l'éducation. Les pays les mieux placés sont toujours les mêmes : Les Emirats, Bahreïn, Qatar. Naturellement, comme le rappelle le directeur de Madar, 'Abd al-Qâdir al-Kamli, la situation des Etats de la région est très contrastée... Dans le Golfe on est partout au haut-débit, quand on est resté, dans certains pays (on se sent concerné à Beyrouth ?), à la quasi-préhistoire du Net !!!

Il met également en garde, et cela c'est plus neuf, contre l'élargissement d'une fracture numérique interarabe, en recommandant aux gouvernements concernés de déployer les efforts nécessaires :
"Je ne voudrais pas paraître pessimiste mais la situation n'est pas bonne quand on sait que sur 15 personnes il n'y a qu'un internaute, dans 12 Etats arabes qui ne sont pas membres du Conseil de coopération du Golfe."

Je ne retrouve pas l'article sur le site du Hayat, mais une copie est lisible, sur un site pas très bien vu dans la région (suivez mon regard)...

vendredi, septembre 22, 2006

Islam online et Ramadan Cool


Beaucoup de "franglais" dans ce titre, mais c'est bien dans le ton de ce dont je veux parler aujourd'hui. A l'approche de Ramadan, le quotiden Al-Hayat, dans la rubrique science s'il vous plaît, mentionne un fait qui mérite notre attention.

L'information concerne le site bien connu www.islam-online.net (ou encore www.islamonline.net). Classé selon www.alexa.com en 901e position des sites dans le monde, et à la 27e place des sites en arabe (par parenthèse, www.aljazeera.net est en 4e), Islam-online est proche des cercles de l'opposition religieuse égyptienne ("l'islamisme", l'islma politique", quoi !). C'est un site "religieux" a priori donc, on y trouve de fait des fatwas de Qardawi par exemple (sur ces questions, je vous renvoie à notre spécialiste, Ermete), mais il s'ouvre comme un site d'information, plutôt bien fait, régulièrement mis à jour, avec un énorme public (pour la question du mélange religion et politique, le spécialiste, c'est Jean-Pierre !)

A en croire l'article, Islam-online s'est récemment associé à la campagne contre le tabagisme menée par l'Organisation mondiale de la santé. Une nouvelle rubrique existe donc désormais (elle n'est pas si facile à trouver), qui utilise un langage martial pour inciter les fumeurs à abandonner leur vice ! En cette période de mobilisation pour les bonnes causes que doit être Ramadan, quitter la cigarette c'est contribuer à une lutte plus vaste, par exemple pour ceux qui sont privés de leurs droits (dans le genre : "Laisse tomber la cigarette pour nourrir les Palestiniens !")

L'islam (en ligne) est moderne comme tout. Il y a dans la campagne de ce site de premier plan dans le monde arabe des slogans-qui-tuent, des titres accrocheurs : "Ne me tue pas avec ton clop ! Connais ton ennemi !" Des parties interactives aussi, dans le genre "Journal d'un fumeur qui quitte la clope..."

Mais il y a aussi des prolongements "dans la vie réelle" avec des réunion sur le terrain où l'on rencontre les jeunes fumeurs pour les remettre dans le droit chemin. Cela ressemble furieusement aux techniques déjà mises en place par le prédicateur "soft" Amr Khaled (www.amrkhaled.com, classé au 780e rang par Alexa) et sur lesquelles Ermete travaille (s'il lit le texte, il peut réagir et donner le lien).

Outre les commentaires que l'on peut faire sur cet islam chic de choc (principale source en français, ce qu'a récemment publié Patrick Haenni sur le sujet sous le titre L'islam de marché), je note pour ceux qui s'intéressent aux TIC (technologies de l'info. et de la comm.) deux choses :
  • Cette campagne est un indice de plus de la place prise par internet dans la vie quotidienne arabe actuelle, et singulièrement auprès de la jeunesse (tant pis s'il y en a qui s'obstinent à dire que le monde arabe est un "désert numérique").
  • Pour gagner en efficacité, ces campagnes s'accompagnent de prolongements, non plus virtuels, mais parfaitement concrets, sur le terrain (une leçon que les experts locaux en communication politique et en mobilisation ont dû certainmenet tirer déjà).
Dommage pour les USA qui dépensent des fortunes en propagande médiatique (télés, radios, journaux, sites...) mais qui sont justement totalement incapables de relayer ces efforts dans la réalité non-électronique, qui sont "zéro" sur le terrain.
Mauvais jeu de mots : cela fait Ground Zero dans la langue d'Oncle Sam !

Deux remarques pour finir :
  1. Mis à part le fait qu'Alexa n'est pas crédible, quelqu'un a-t-il une explication au fait que Islamonline.net soit chez Alexa 901e (et 27e site arabe), tandis que Amrkhaled.com est 780e mais apparemment pas classé dans les sites en langue arabe ???!!!
  2. Je signale que je me lance dans un autre blog, moins TIC et plus "culture politique"...

mardi, septembre 12, 2006

Le 11 septembre n'a pas eu lieu :


On n'échappe pas aux anniversaires...

Le 11 septembre n'a pas eu lieu, donc, au sens où l'expliquait Baudrillard (Galilée, 1991) et c'est l'occasion de revenir sur cette notion de "virtualisme", à grand renfort d'arguments et de citations tirés du site déjà rubriqué et chaudement recommandé, à savoir www.dedefensa.org. Mais avant cela il s'agit d'abord de prendre conscience d'un fait qui, comme La lettre volée d'Edgar Allan Poe nous échappe par son évidence même, à savoir la présence, et même la puissance d'internet comme support d'information.

Parmi toutes les choses passionnantes que l'on trouve, un article sur LA question du l'heure, le cinquième anniversaire du fameux 11 septembre, etc. etc. Visiblement, l'auteur partage avec beaucoup d'autres (moi y compris) nombre de doutes sur ce que l'on a bien voulu nous raconter, ce qui fait sans doute de nous, selon les médias ordianaires, d'abominables attardés croyant encore à la "théorie du complot". Mais la leçon qu'il tire des célébrations enlacrymées qu'on nous impose (avec sortie de film fort à propos), c'est le pouvoir, désormais manifeste d'internet. (Je le cite, il parle très bien pour lui-même :)

Au contraire de ce qui précède [= l'effondrement de la crédibilité de l'information officielle] et qui lui est précisément lié, [on mesure donc] le jaillissement extraordinaire de l’influence de l’information circulant sur Internet. C’est par ce canal exclusivement que la contestation de la thèse officielle a survécu sous les cendres du WTC, puis a repris du feu, puis s’est répandue. Il s’agit certes d’un événement extraordinaire. Dans un combat titanesque depuis le 11 septembre 2001, les réseaux individuels et dissidents ont finalement imposé aux réseaux officiels la nécessité d’accepter la mise en question de la thèse officielle. On ne discute pas du tout ici de la validité de telle ou telle thèse complotiste, de la validité même de l’idée de complot, mais de l’acceptation implicite par les réseaux officiels, qui ont tenu pendant longtemps la thèse officielle comme une réalité objective et intangible, que l’événement pouvait être désormais sujet à une interprétation relative.

Au-delà de ce premier constat, ce que l'on célèbre, c'est donc le "5e anniversaire de l'avènement de l'installation officielle du virtualisme", c'est-à-dire de l'idéologie paranoïde (excusez-moi je reviens d'un séjour en Catalogne et j'ai Dali dans la tête, lequel est fort utile pour comprendre cette notion de virtualisme, tout comme une bonne partie de l'art "moderne" d'ailleurs) qui a pour fin première de substituer à la bonne vieille réalité empirique une autre réalité, tout aussi efficace, mais construite sur les techniques du virtuel.

En tout cas, voilà comment je lis, moi, cette notion de "virtualisme" en me disant qu'il vaudrait la peine de savoir comment l'associer à ce que nous connaissons mieux, sans bien le connaître, à savoir le virtuel d'internet (et aussi, ce qui est plus facile, les virtualités de la Toile).

Quelques remarques sur ce que je viens d'écrire pour replacer toute la chose dans notre petit contexte :
- au Proche-Orient, les théories du complot, on connaît ! Que l'idée gagne, et se généralise, signifie quoi ? Que l'épidémie gagne aussi ? Ou la gangrène ?...
- au Proche-Orient encore, mais c'est vrai pour pas mal d'endroits qui sont sujets (quel mot!) de l'actualité, on sait depuis longtemps qu'on ne sait que ce qu'on veut bien nous raconter : l'expérience est assez facile à faire

Quant à la photo, je l'ai tiré d'un blog où l"auteur explique qu'il l'a lui-même piquée (et recomposée) sur un site qui a pour particularité de remettre en cause la réalité de l'attentat (souligné par l'auteur, Dominique Autié) : ça ne s'invente pas !

dimanche, septembre 03, 2006

"guerre de quatrième génération" et TIC

L'image n'a pas une super résolution mais elle est suffisante pour deviner ce qu'il faut comprendre lorsque Le Monde propose un dossier sur "Terrorisme et Internet" !!! (Accessible pour les abonnés, ou bien dans l'édition papier mais je ne l'achète plus - et je ne suis pas le seul à en croire ce papier de elaph.com qui reprend une étude anglaise.

Réflexion commune, toutes tendances politiques et tous profils sociaux confondus, de la plupart de ceux que je croise "ici" et qui viennent de "là-bas" (pas forcément l'Axe du mal mais au moins des pays pas casher...) : le fossé entre ce que disent "nos" médias et les "leurs" est devenu quasiment incommensurable. (A l'heure de la communication instantanée, il devient urgent de comprendre que les blocages et les noeuds dans la communication ne sont pas seulement techniques.)

Je continue dans la tournée des sites spécialisés dans l'analyse stratégique évoqués lors d'un précédent billet , et il me faut absolument mentionner une autre adresse, en provenance de Belgique, celle du site Dedefensa.org

Plusieurs raisons à cela :

1) Le site constitue une excellente illustration du passage de la pressse écrite à internet. Si vous allez sur la page du site en question et que vous allez voir du côté de "à propos", vous lirez un texte qui reprend l'historique de ce qui fut d'abord une "news-letter" spécialisée, en français et en anglais, et qui se poursuivit, sans vraiment y réfléchir comme un site internet. Sauf que le nouveau-né a grandi à toute vitesse et qu'il a pris visiblement toute la place ! Comme ils l'écrivent :
Le site fut d’abord une extension des publications papier, un complément mineur, une variation mezzo voce sur le thème, sans prétentions ni ambitions. Quelques années ont changé tout cela, sans préméditation, sans “stratégie”, sans “plan de carrière”.
Et aujourd'hui, ils en sont à plus de 100 000 visites par mois !

2) Une des raisons de ce succès, c'est qu'ils sont bons (en tout cas, c'est ce que je pense !) Il y a une foule d'articles passionnants sur ce site. Sur la "guerre de juillet", dite encore "guerre des trente-trois jours", j'ai recommande en particulier :
- un remarquable papier intitulé ”La grande histoire est plus simple que nos petits experts, dans lequel l'auteur parle du "virtualisme" (le terme nous intéresse) de la stratégie de l'armée israélienne, virtualisme qui vient quelque part de retrouver la rude réalité.

On y lit également que les israléiens faisaient plus confiance aux propos de Nasrallah qu'à ceux de leurs sinistres ministres (http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=3117). Mais ça, dans le secteur concerné, on s'en doutait déjà ! (Cela dit, vous l'avez lu souvent ailleurs ?)

Il y en a comme cela pas mal, je vous laisse le plaisir de la découverte, selon vos propres choix.

3) Troisième et ultime (pour le moment) raison de vous parler de ce site, il vous parle, bien mieux que je n'aurais su le faire, de ce qu'il faut comprendre sous l'appellation de G4G (guerre de quatrième génération).

Là encore, c'est tout simplement passionnant, et cela exprime ce que j'avais (mal) dégrossi en parlant de réseaux, de guerre d'un type nouveau, etc. dans le précédent billet déjà cité au-dessus. Je ne peux que vous recommander la lecture de ces réflexions qui recoupent, j'en suis persuadé, les nôtres, dans notre petit business de TIC (le "virtualisme" mentionné plus haut en est bien le signe).

En fait, je n'en ai pas encore fini (mais cette dernière raison, je jure sur tout ce que vous voudrez que je ne la connaissais pas quand j'ai découvert ce site et décidé de lui consacrer un billet) : ils ont besoin d'argent et acceptent toutes les donations généreuses !!! Peut-être avez-vous un général fortuné dans vos relations ?

jeudi, août 24, 2006

Réseaux : guerre et cyberspace (bis)


"Guerre de juillet" donc, puisqu'il paraît que c'est le nom qu'on lui donne...
Dans un précédent billet , je parlais de la mobilisation d'internautes par les autorités israéliennes. A cette occasion, j'évoquais différentes techniques connexes utilisées durant ce conflit, telles que le piratage des canaux satellitaires d'Al-Manar, ou encore l'envoi de SMS.

Pour ceux que le sujet intéresse, je signale l'existence du site http://www.infowar-monitor.net/index.php. Lancé par le "Cambridge Programme for Security in International Society and The Citizen Lab.", le site propose en ligne une documentation extrêmement complète me semble-t-il de tout ce qui touche, de près ou de loin, aux usages stratégiques (au sens premier du terme) de l'information et de ses technologies actuelles. (Enfin, tout est en anglais, rien dans les autres langues, ce qui laisse tout de même songeur....) On y trouve un particulier un article qui complète ce que je signalais dans le billet précédent à propos de "mégaphone". Cela a dû marcher car, à en croire l'article, on a pu ainsi obtenir 400 votes en 15 minutes...

A feuilleter rapidement ce qui est mis en ligne sur le site InfoWar, on découvre toutes sortes d'histoires assez remarquables. Par exemple, que les soldats israéliens, lors de barrages érigés tout exprès pour cela, cassent la gueule des jeunes Palestiniens qui ont déchargé la tronche de Nasrallah pour la mettre en fond d'écran de leur portable !

Certaines "anecdotes" sont bien instructives sur ce qui s'est passé au sud du Liban et dans les environs immédiats récemment. Apparemment, le Hezbollah n'est pas le dernier à savoir utiliser les médias, les images, les flux d'infos. Dommage pour les Israéliens qui ont perdu leur monopole en la matière.

Je propose à vos méditations cette citation, trouvée dans le site en question, due à John Arquila, distingué professeur d'Analyse de défense ("defense analysis" : je ne savais pas que c'était aussi structuré que cela la polémologie !) dans une école militaire américaine (la "Naval Postgraduate School") :
"We are now into the first great war between nations and networks. This proves the growing strength of networks as a threat to American national security."

Je ne sais pas si c'est en ces termes que je le dirais, mais cela me fait furieusement penser à une réflexion d'un officier israélien, lue sur un site dont je n'ai pas réussi à retrouver la trace, disant en substance qu'Israël avait fait l'erreur de rechercher une confrontation frontale sur le terrain du Hezbollah et qu'il allait devoir apprendre à mener une "guerre de réseaux", s'il ne voulait pas continuer à "remporter des victoires" aussi brillantes que la dernière. (Réflexion qui n'annonce malheureusement rien de bon pour ceux qui se trouveront dans les parages de la dite "guerre de réseaux" dans les temps à venir...)

Revenons à nos classiques, à savoir le cher Castels : "Si nous ne nous occupons pas des réseaux, les réseaux, eux, s'occuperont de nous. Qui veut vivre en société à cette époque et en ce lieu sera nécessairement confronté à la société en réseau. Car nous sommes bel et bien entrés dans la galaxie Internet."

jeudi, août 17, 2006

Guerre du Liban, blogs, journalisme citoyen...

Une évolution personnelle, dont je suppose qu'elle n'a rien d'original, en tout cas pour les internautes correspondant à mon profil. Evolution (révolution ?) perçue à travers les événements de la dernière guerre du Liban ("guerre" ? Est-elle "finie" celle-là ? Expérience amusante, qu'on peut facilement faire grâce à internet d'ailleurs : prenez le temps de relire les titres de la presse et regardez à quel moment on est passé insensiblement "d'incidents à la frontière" à "crise", puis, enfin, "guerre").

Pour
quelqu'un de ma génération donc, élévé aux médias traditionnels, cette guerre a marqué définitivement le passage à l'internet comme source principale d'information. Au détriments des autres, délaissés, et même, pour plus d'un journal, volontairement boycottés tellement c'est nul.

Différentes raisons à ce passage à l'internet, voué naturellement à s'intensifier toujours davantage et qui passera peut-être totalement inapperçu pour des usagers plus jeunes :
- vu de France, les différents médias sont tellement pro-sionistes en général qu'on cherche naturellement autre chose
- en France mais en province (en "région" comme on dit poliment), le décalage de la presse écrite, l'inexistence de la presse arabe (y compris audio), la nullité des médias en français, incitent aussi à passer au net
- en plus je n'ai pas d'antenne satellite sinon j'imagine que j'aurais un abonnement à un canal satellitaire arabe quelconque et peut-être serais-je moins sur mon petit écrin d'ordi que sur le petit écran maudit...

D'autres raisons, positives cette fois :
1) Tous ces médias ou presque se retrouvent, en temps réel ou presque, sur le net. Il faut bien sûr apprendre à la trouver, mais ce n'est rien d'autre qu'un apprentissage ordinaire en fait.
2) Et en plus les efforts sont très largement récompensés. Par la diversité des infos qu'on peut avoir (je confesse ainsi avoir régulièrement zappé sur le jpost et Haaretz même si, au début, ça fait drôle...) et par le caractère inédit et/ou ""en avance" des infos qu'on arrive à avoir, en particulier, voire surtout, par tout ce qui vient et/ou est traité par des sources et canaux qui relevent de ce qu'on appelle le "journalisme citoyen" (cf. ce qu'en raconte Pisani dans son blof par exemple à cette page http://pisani.blog.lemonde.fr/pisani/2006/05/blogueurs_et_jo.html).
3) Il faut aussi y ajouter je crois le rapport particulier que créé le "fil internet" qui créé, et je crois que c'est rarement souligné, une relation spéciale, intime, "chaude" comme dirait McLuhan (cherchez la référence, je ne l'ai plus en tête). En écrivant ce billet, je pense à une conversation au téléphone, hier, avec une amie au Liban : en dépit du plaisir du téléphone, elle me disait combien ils appréciaient, bloqués, les courriels de sympathie, d'encouragement, etc., "peut-être plus que le téléphone" ! Une remarque qu'on trouve également sur le blog de Stéphane cité ci-dessous. Je crois que cela vaut aussi pour les usagers d'internet de ce côté-ci de la frontière physique des conflits. Je me rends compte que l'écran internet est bien plus "intime" qu'on ne le penserait au départ...

Pour s'informer sur la Toile, pour se servir de la Toile tout simplement, tout le monde développe des stratégies de lecture qui sont autant de parcours à travers les sites, de lien en lien éventuellement, au gré des associations.

Cette chose bizare n'est en fait que l'équivalent des choix de lecture dans la masse des titres disponibles en kiosque par exemple, ou parmi les canaux ouvrables par la zapette de la télé, mais également à travers les signes (caractères écrits ou photogrammes) des infos dont on s'efforce de "prendre connaissance" (belle expression en français si on y pense, la connaissance s'avouant "possession" - sans doute inévitablement manquée dirqit le philosophe - de l'objet désiré).

Il n'est donc que justice de mentionner ici, à ce moment du conflit, cette adresse (obtenue grâce à Armelle je crois) :
http://www.libnanews.com/

Et puis, comme on dit dans Charlie Hebdo auquel par le ton il ressemble parfois, rubrique "spécial copinage" maintenant : je ne peux que vous renvoyer au journaliste-citoyen webmestre, oelle-supporteur et ami de Stéphane, sommé, devant le monde entier, de nous parler de son expérience dans ces pages s'il le veut bien tout de même : http://stefanbazan.com/blog/ (J'aime beaucoup sa chronique du 13e jour que je vous recommande chaudement.)

dimanche, août 13, 2006

Mégaphone : la guerre du Liban et le cyberespace


(Fallait-il reprendre ces billets, comme si de rien n'était, comme si, après plusieurs semaines de guerre - en admettant que j'ai raison de penser que celle-ci se termine bientôt - il était possible de reprendre la vie ordinaire, en oubliant les horreurs des jours passés ? Je n'en sais rien. Je prends cette décision, pas forcément convaincu que ce type de travail a grand sens, mais en me disant aussi que continuer est une façon de résister. Peut-être est-ce une manière de me donner bonne conscience à pas cher...)

La presse a consacré quelques articles à la manière dont les combats de la nouvelle guerre du Liban ont eu pour cadre les nouveaux médias : piratage de fréquences télévision (celle du Manar, par Israël), utilisation de listes d'abonnés téléphoniques (des deux côtés semble-t-il) pour l'envoi de SMS démoralisants, déstabilisants, etc. Du côté d'internet, piratage et blocage de sites, selon des modalités désormais bien connues.

Quelques remarques rapides sur ce dernier point en passant :
- Le cyberespace répond, apparemment, aux règles classiques de la stratégie et s'avère être un domaine où il est possible de mener des guerres assymétriques (Israël est sans nul doute en avance par rapport au monde arabe dans le domaine des TIC mais, en potentiel de nuisance, cette différence n'a pas l'air de jouer vraiment). Cela dit, à part les nuisances techniques que cela entraîne pour les gens concernés, pas de quoi fouetter un chat me semble-t-il... Je subodore que le piratage vénal d'Internet a beaucoup, beaucoup plus d'importance...
- Les théorisations utopiques à propos d'un cyberespace idéal au sein duquel il n'y aurait plus de conflits ni de luttes d'intérêts mais juste des flux d'informations éthérés de frères en cybercratie continuent à avoir cours : on nous a ressorti (personnellement, cela me fait de plus en plus rire jaune) les magnifiques dialogues de part et d'autre de la ligne de front entre blogers qui, au-delà des bombes, arrivent encore à dialoguer. (Cela peut remplir quelques lignes de journaux et aider à faire quelques rêves mais je doute de la traduction concrète de ces échanges...)
- Une fois de plus, on doit constater que le cyberespace est régi par des règles physiques qu'il faudrait tout de même prendre en compte. Les internautes libanais ne sont pas loin, au jour où j'écris ce billet, d'avoir de plus en plus de problèmes pour se connecter, mais, en même temps, ils ont toujours pu continuer à le faire... En revanche, en dépit d'un certain nombre de tentatives, je n'ai jamais réussi à me connecter de Franced au(x) site(s) d'al-Manar...

En définitive, je me demande si les véritables enjeux ne sont pas ailleurs. Et, les Israéliens l'ont peut-être compris avant les autres. Je m'explique. Internet s'inscrit dans un espace médiatique, dans un système de communication. Il ne révolutionne rien, il modifie des rapports de force, des flux, infléchit des logiques préexistantes. A ce titre, il doit, comme les autres médias, être surveillé, capté, monitoré... L'énergie qu'il véhicule et qu'il contribue à renforcer doit être canalisée et orientée au profit d'objectifs précis, par exemple vis-à-vis de la constitution d'une opinion publique.

Telle est le sens de l'initiative lancée par le Département des affaires publiques du ministère des Affaires étrangères israélien "à la faveur" du dernier conflit. Sous le nom de "mégaphone", il s'agit de recruter un maximum d'internautes partisans (100 000 dans l'idéal) et de les mobiliser pour intervenir dans le cyberespace au profit des positions israéliennes. La nouveauté, c'est qu'un logiciel a été conçu à cet effet pour rationaliser et optimiser la mobilisation des volontaires. Comme le dit la page d'accueil (en français, il y en a une aussi en anglais, en plus de l'hébreu) du site www.giyus.org (giyus veut dire, semble-t-il "mobilisation" en hébreu) : "Les conflits d'aujourd'hui sont gagnés par l'opinion publique. Le temps de l'action est venu. Faites entendre au monde le côté d'Israël." (Vous noterez combien la francophonie est menacée !!! pas terrible la traduction... C'est visiblement écrit en anglais d'abord : Today's conflicts are won by public opinion. Now is the time to be active and voice Israel's side to the world.)

On propose donc aux volontaires de décharger le logiciel de façon à intervenir efficacement dans le cyberespace lorsqu'il y a des articles et/ou des sondages concernant Israêl. Risquons un peu d'humour (pas très facile en ce moment) : Israël renoue enfin avec la (prétendue) fibre révolutionnaire de ses pionniers. Lisez ce slogan, tout droit sorti de l'imagination d'un communicant américano-israélien de la cybervallée israélienne (pas loin de Haïfa, n'est-ce pas ?...) : "Ensemble nous pouvons faire la différence." (Together, we can make a difference.)

Et quand on clique sur le mot différence, ce dimanche 13 août, on est invité à signer différents sondages pour expliquer au monde que la résolution 1701 est bonne pour Israël...
Parce que ce n'était pas évident ???...