dimanche, août 13, 2006

Mégaphone : la guerre du Liban et le cyberespace


(Fallait-il reprendre ces billets, comme si de rien n'était, comme si, après plusieurs semaines de guerre - en admettant que j'ai raison de penser que celle-ci se termine bientôt - il était possible de reprendre la vie ordinaire, en oubliant les horreurs des jours passés ? Je n'en sais rien. Je prends cette décision, pas forcément convaincu que ce type de travail a grand sens, mais en me disant aussi que continuer est une façon de résister. Peut-être est-ce une manière de me donner bonne conscience à pas cher...)

La presse a consacré quelques articles à la manière dont les combats de la nouvelle guerre du Liban ont eu pour cadre les nouveaux médias : piratage de fréquences télévision (celle du Manar, par Israël), utilisation de listes d'abonnés téléphoniques (des deux côtés semble-t-il) pour l'envoi de SMS démoralisants, déstabilisants, etc. Du côté d'internet, piratage et blocage de sites, selon des modalités désormais bien connues.

Quelques remarques rapides sur ce dernier point en passant :
- Le cyberespace répond, apparemment, aux règles classiques de la stratégie et s'avère être un domaine où il est possible de mener des guerres assymétriques (Israël est sans nul doute en avance par rapport au monde arabe dans le domaine des TIC mais, en potentiel de nuisance, cette différence n'a pas l'air de jouer vraiment). Cela dit, à part les nuisances techniques que cela entraîne pour les gens concernés, pas de quoi fouetter un chat me semble-t-il... Je subodore que le piratage vénal d'Internet a beaucoup, beaucoup plus d'importance...
- Les théorisations utopiques à propos d'un cyberespace idéal au sein duquel il n'y aurait plus de conflits ni de luttes d'intérêts mais juste des flux d'informations éthérés de frères en cybercratie continuent à avoir cours : on nous a ressorti (personnellement, cela me fait de plus en plus rire jaune) les magnifiques dialogues de part et d'autre de la ligne de front entre blogers qui, au-delà des bombes, arrivent encore à dialoguer. (Cela peut remplir quelques lignes de journaux et aider à faire quelques rêves mais je doute de la traduction concrète de ces échanges...)
- Une fois de plus, on doit constater que le cyberespace est régi par des règles physiques qu'il faudrait tout de même prendre en compte. Les internautes libanais ne sont pas loin, au jour où j'écris ce billet, d'avoir de plus en plus de problèmes pour se connecter, mais, en même temps, ils ont toujours pu continuer à le faire... En revanche, en dépit d'un certain nombre de tentatives, je n'ai jamais réussi à me connecter de Franced au(x) site(s) d'al-Manar...

En définitive, je me demande si les véritables enjeux ne sont pas ailleurs. Et, les Israéliens l'ont peut-être compris avant les autres. Je m'explique. Internet s'inscrit dans un espace médiatique, dans un système de communication. Il ne révolutionne rien, il modifie des rapports de force, des flux, infléchit des logiques préexistantes. A ce titre, il doit, comme les autres médias, être surveillé, capté, monitoré... L'énergie qu'il véhicule et qu'il contribue à renforcer doit être canalisée et orientée au profit d'objectifs précis, par exemple vis-à-vis de la constitution d'une opinion publique.

Telle est le sens de l'initiative lancée par le Département des affaires publiques du ministère des Affaires étrangères israélien "à la faveur" du dernier conflit. Sous le nom de "mégaphone", il s'agit de recruter un maximum d'internautes partisans (100 000 dans l'idéal) et de les mobiliser pour intervenir dans le cyberespace au profit des positions israéliennes. La nouveauté, c'est qu'un logiciel a été conçu à cet effet pour rationaliser et optimiser la mobilisation des volontaires. Comme le dit la page d'accueil (en français, il y en a une aussi en anglais, en plus de l'hébreu) du site www.giyus.org (giyus veut dire, semble-t-il "mobilisation" en hébreu) : "Les conflits d'aujourd'hui sont gagnés par l'opinion publique. Le temps de l'action est venu. Faites entendre au monde le côté d'Israël." (Vous noterez combien la francophonie est menacée !!! pas terrible la traduction... C'est visiblement écrit en anglais d'abord : Today's conflicts are won by public opinion. Now is the time to be active and voice Israel's side to the world.)

On propose donc aux volontaires de décharger le logiciel de façon à intervenir efficacement dans le cyberespace lorsqu'il y a des articles et/ou des sondages concernant Israêl. Risquons un peu d'humour (pas très facile en ce moment) : Israël renoue enfin avec la (prétendue) fibre révolutionnaire de ses pionniers. Lisez ce slogan, tout droit sorti de l'imagination d'un communicant américano-israélien de la cybervallée israélienne (pas loin de Haïfa, n'est-ce pas ?...) : "Ensemble nous pouvons faire la différence." (Together, we can make a difference.)

Et quand on clique sur le mot différence, ce dimanche 13 août, on est invité à signer différents sondages pour expliquer au monde que la résolution 1701 est bonne pour Israël...
Parce que ce n'était pas évident ???...

1 commentaire:

YGQ a dit…

Bon article sur islam-online sur cette question :
http://www.islam-online.net/Arabic/news/2006-08/13/11.shtml